Composition


Innovation et renouvellement des savoirs à la Renaissance (XVè-XVIè siècles)

 

Les hommes des XVè et XVIè siècles ont vécu une période de profonds changements économiques, culturels et sociaux. Certains, comme Giorgio Vasari (1511-1574), ont eu l'impression d'une Renaissance de la culture et de la civilisation antique après des siècles d'obcurantisme médiéval. Cette impression repose sur la multiplication des découvertes dans tous les domaines et sur un nouvel élan intellectuel qui pousse les hommes à s'émanciper de la tutelle religieuse de l'Eglise et à décrypter la réalité pour mieux la comprendre. L'innovation, l'apparition d'idées et de démarches nouvelles, contribue alors au renouvellement des savoirs.


En quoi l'innovation a-t-elle été un facteur de renouvellement des savoirs durant la Renaissance ?


Pendant des siècles, l'Eglise, seule institution de lettrés, a détenu l'essentiel du savoir dans l'Occident chrétien. A partir du XIIè siècle, l'ouverture sur le monde et la multiplication des expériences ont favorisé les échanges et innovations techniques. La Renaissance bénéficie de cette innovation et voit un complet renouvellement des savoirs.

 

Dans l'Occident chrétien du Moyen Age toute la réalité des êtres et des choses est soumise à la volonté de Dieu, créateur de l'univers. La Bible expliquait toute l'organisation du monde et la présence des êtres vivants. Toutes les disciplines devaient contribuer à l'illustration du dogme religieux. Les savoirs découlaient de l'Ecriture sainte. Ils constituaient un mélange confus de connaissances réelles et imaginaires au service de la religion.
En géographie, les premiers grands théologiens (Saint-Augustin, Isidore de Séville et Cosmas d'Alexandrie) proclamèrent bien haut que la Terre était plate. Ils voulaient ainsi écarter une conception d'origine païenne sur la sphéricité de la Terre qui fut décrite par de nombreux savants antiques (Ptolémée, Erathostène, ..).
Selon la version de l'Eglise, les terres émergées ne constituaient qu'un seul bloc situé dans l'hémisphère nord. Ceci avait l'avantage d'éliminer l'éventualité d'habitants dans des terres australes qui n'auraient pu descendre d'Adam et Eve, car coupés de l'hémisphère nord par les territoires torrides de l'équateur. La représentation habituelle et souvent simplifiée à l'extrême de ce bloc émergent était la "carte TO" élaborée au VIè siècle par Isidore de Séville.


A l'occasion des croisades, ce savoir est confronté à celui des civilisations musulmanes et byzantines. Des idées nouvelles circulent et des innovations apparaissent.


Ces innovations affectent tous les domaines de la vie des hommes et changent leur vision du monde et des hommes.
L'expérience du monde est acquise à la faveur des nombreux voyages qu'entreprennent les hommes. Dès le XIII ème siècle, des marchands italiens étaient allés jusqu'en Extrême Orient (Marco Polo). Ces voyages de découverte bénéficient des progrès techniques dans la navigation. La fabrication des caravelles, navires plus maniables grâce au gouvernail d'étambot, ou l'utilisation d'instruments de mesures plus précis comme l'astrolabe facilitent la navigation en haute mer.
Au début du XVè s., les portugais se lancent sur de nouvelles routes maritimes le long des côtes africaines. Ils arrivent en Inde en 1497 alors que Christophe Colomb avait découvert de nouvelles terres à travers l'Atlantique en 1492.
Ces découvertes sont très vite connues en Europe grâce à l'imprimerie, invention d'un orfèvre de Mayence, Gutenberg, qui, en 1450, conçoit les caractères mobiles en plomb. Cette invention est rendue possible par des innovations préalables comme l'utilisation de l'antimoine pour durcir les alliages de plomb ou encore la mise au point d'encres grasses. La capacité de production des écrits est multipliée. Alors qu'un copiste pouvait écrire 200 lignes par jour, un atelier d'imprimerie réalise 180 pages en une heure.
En facilitant la diffusion des informations et du savoir, l'imprimerie permet également l'apparition de nouvelles institutions comme les académies qui réunissent des érudits spécialistes de langues anciennes, de droit, d'histoire, de grammaire, ..., les humanistes. Ils font de la redécouverte de la culture antique (arts, philosophie, histoire, ...) leur objectif. Ils défendent également un nouveau modèle d'éducation de la jeunesse, fondé sur l'étude des humanités (langues anciennes, histoire, grammaire, éducation physique, ...) et sur la recherche de sens plus que sur un apprentissage par cœur. Michel de Montaigne, en 1580, souhaite que les pédagogues aient une tête bien faite plutôt que bien pleine.
Par la redécouverte des auteurs antiques, l'humanisme stimule les réflexions des hommes de la Renaissance. La médecine en procédant à des dissections améliore la connaissance du corps humain. L'architecture réutilise les modèles antiques comme Brunelleschi pour l' « Ospedale degli innocenti » à Florence en 1424.
L'innovation devient un facteur de succès pour les ingénieurs qui protègent leurs idées. Brunelleschi écrit ses notes en code ; en 1421, le premier brevet est déposé à Florence ; plus tard Léonard de Vinci adopte une écriture en miroir, ...
Cette innovation touche aussi le domaine des arts. La peinture à l'huile est inventée en Europe du Nord, Brunelleschi et les peintres florentins en cherchant à imiter la nature mettent au point la perspective qui donne une impression de profondeur à leurs œuvres. Avec les progrés de la métallurgie et l'imprimerie, l'art devient accessible à une plus grande partie de la population. Il est influencé par l'humanisme et la redécouverte de l'Antiquité. Les thèmes évoluent et ne sont plus uniquement religieux. Le David de Michel-Ange (1504) ou la Naissance de Vénus de Botticelli (1485) reprennent des modèles (nu) ou des thèmes (mythologie) antiques. Le portrait et le paysage sont également des formes artistiques reconnues ou en émergence. Ils font l'objet d'un commerce de l'art, Isabelle de Castille crée une foire des œuvres d'art à Medina del Campo. Avec le mécénat (protection d'un artiste par un prince ou un riche marchand) cette évolution permet la reconnaissance des artistes qui sont connus et reconnus. Titien, le portraitiste de Charles Quint est annobli.


L'ensemble de ces innovations changent la société de la Renaissance. La vision que les hommes se font de la réalité du monde rompt peu à peu avec les savoirs véhiculés par l'Eglise catholique encore médiévale par bien des aspects.


C'est d'abord la connaissance du monde qui évolue. En 1521, le premier voyage autour du monde, commencé par Fernand de Magellan, prouve que la Terre est une sphère. Les voyages de découverte redessinent la carte du monde. En 1507, un géographe lorrain, Waldseemüller, fait figurer un nouveau continent, l'Amérique sur un planisphère.
Les explorations ont fondamentalement renouvellé la connaissance du monde. L'Eglise et les textes sacrés ne décrivaient pas les peuples et animaux découverts par Colomb, Cabral, Magellan. Les découvreurs contribuent à l'émergence de connaissances nouvelles, fruits de l'expérience. Situation qui remet en cause l'autorité de la parole divine donc de l'Eglise.
L'humanisme dans sa redécouverte des savoirs antiques contribue également au renouvellement des savoirs. Les érudits du XVe siècle s’efforcent de retrouver l’authenticité de la pensée des Anciens, pour cela ils traduisent et éditent tous les textes antiques retrouvés. L'étude de la culture antique (textes et œuvres d'art) a pour but de développer toutes les capacités de l'homme, physiques comme intellectuelles. L'humanisme, qui se développe d'abord en Italie, peut désigner un idéal de vie mettant l'homme au centre des préoccupations. Dans cette démarche, il heurte la conception chrétienne de la place et du rôle de l'homme dans la création.
Le savoir est à la base d'une sorte de « République des lettres » qui constitue l'embryon d'une « opinion lettrée » dont les membres les plus connus sont Erasme (vers 1469-1536) qui est hostile à tout fanatisme et poursuit un idéal de paix et de tolérance; Pic de la Mirandole (1463-1494) juriste, philosophe, linguiste, il incarne l'idéal de l' « homme universel » de la Renaissance; Rabelais (vers 1483-1553) qui exprime une totale confiance en l'homme.
L'humanisme en valorisant les modèles antiques, il permet l'expression de nouvelles formes de représentation des hommes. Si les sujets des œuvres d'art restent encore d'inspiration biblique, les attitudes sont plus proches de l'antiquité notamment par le recours au nu. David est un sujet traité par de nombreux artistes, Donatello, Verrocchio, Michel-Ange, ... mais de plus en plus à la mode antique et pour valoriser des valeurs modernes. Le David de Michel-Ange incarne la valeur civique des Florentins (courage et détermination). Il est un témoignage de la croyance en la grandeur de l'homme et en sa dignité.
L'Antiquité fournit de nombreux thèmes liés à la mythologie. En 1485, Sandro Botticelli peint le premier nu « païen » de la Renaissance, La naissance de Vénus. Oeuvre inspirée par la mythologie mais dans laquelle on peut voir une formulation de l'Absolu mélant le bien et le beau et une présentation du baptème. Cet idéal de beauté, qui a une forte charge érotique, pose problème en raison des mentalités qui n'étaient pas prêtes à accepter ce type de représentation. Vénus est voilée par ses cheveux et les nus du Jugement dernier de Michel-Ange dans la chapelle sixtine à Rome seront pudiquement recouverts de voiles.

 

La Renaissance fut donc une période de renouvellement des savoirs. Savoirs fondés de plus en plus sur l'expérience et l'innovation (technique, artistique, économique, ...) et de moins en moins sur une vérité révélée par la Bible et les écritures saintes. L'homme moderne prend alors des distances avec l'Eglise qui connaît à partir de 1517 un profond mouvement de réformation qui aboutit au XVI è siècle au schisme de la chrétienté occidentale entre catholicisme et protestantisme.