Du
monarque absolu au citoyen Capet :
Louis XVI et la Révolution française (1788-1793)
Louis
XVI est resté dans la mémoire des Français comme
le roi qu'ils ont guillotiné. Pour les uns, il est devenu un
martyr, symbole des excés de la Révolution; pour les autres,
au contraire, ce geste a définitivement libéré
la France de l'emprise monarchique. Mais au delà du symbole de
sa mort, le roi a été un des principaux acteurs de cette
période.
Quel fut le rôle de Louis XVI dans la mise en route et la radicalisation
de la Révolution ?
Louis XVI est d'abord l'initiateur du processus révolutionnaire
puisque c'est lui qui convoque et ouvre les Etats généraux
le 5 mai 1789. C'est l'acte d'un souverain absolu.
Très vite les députés des Etats généraux
revendiquent la mise en place de la constitution que réclamaient
de nombreux cahiers de doléances. Louis XVI devient alors un
monarque constitutionnel dont les pouvoirs sont limités par la
constitution de 1791.
Enfin, refusant cette évolution, Louis XVI s'oppose à
la Révolution et ses actes conduisent à sa déchéance.
C'est la citoyen Capet qui est jugé et condamné en 1793.
Si Louis XVI fut victime de la Révolution française, il
en fut également l'initiateur. En 1788, la situation financière
de la royauté (plus de 300 millions de Livres de déficit)
l'amène à convoquer les Etats généraux,
l'assemblée des représeantants des trois ordres du royaume,
pour trouver une solution. Dans l'esprit de Louis XVI les Etats généraux
ne doivent se prononcer que sur la question financière pas sur
d'autres réformes. Le monarque est l'héritier de Louis
XIV et ne veut pas que son pouvoir absolu soit limité ou remis
en cause.
Les députés des Etats généraux, héritiés
des idées des Lumières et soucieux de répondre
aux doléances formulées par les Français, veulent,
eux, des réformes plus générales. Le 17 juin 1789,
ils se déclarent Assemblée nationale.
Réprouvant cette situation, le 20 juin 1789, Louis XVI fait fermer
la salle des Etats généraux et montre ainsi son pouvoir
souverain. L'affrontement devient inévitable. Les députés
dans la salle du jeu de paume jurent de ne pas se séparer avant
d'avoir donné une constitution à la France et Mirabeau,
noble mais député du tiers états, met le roi devant
un choix difficile, respecter la volonté du peuple ou utiliser
la force.
En renonçant à utiliser la force armée pour mettre
un terme aux revendications de l'Assemblée nationale, Louis XVI
renonce aux pouvoirs et à la posture du monarque absolu et laisse
cours à de nouvelles étapes dans la réformation
du pays. La prise de la Bastille la 14 juillet 1789, la grande peur
qui se répand dans tout le pays en juillet et août, l'abolition
des privilèges durant la nuit du 4 août 1789 et la proclamation
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen le 26 août
1789 marquent le rejet d'une autorité royale absolue et finalement
de l'Ancien régime et de sa société d'ordre.
Pourtant la personnalité de Louis XVI n'est pas vraiment remise
en cause. De nombreux cahiers de doléances avaient montré
l'attachement des Français à la personne du roi et à
la monarchie mais une monarchie réformée.
L'objectif premier des députés de l'Assemblée nationale
constituante est d'unifier et de moderniser le pays. Cette unification
passe par la réforme des structures administratives. Les départements
sont créés. Ils instaurent des pouvoirs locaux identiques
dans tout le pays avec les communes, les cantons, les districts. La
réforme touche également la justice, les unités
de mesure (le système métrique est adopté) et l'organisation
de l'Eglise. Les biens du clergé ayant été nationalisés,
la Constitution civile du clergé (1790) fait des prêtres
des fonctionnaires de l'Etat. Cette constitution est rejetée
par des prêtres réfractaires qui refusent de prêter
serment au roi et à la Nation.
La monarchie, elle même, est réformée. La constitution
de 1791 est bâtie, selon les principes des Lumières, sur
la séparation des pouvoirs et la souveraineté de la Nation
mais elle reconnaît le roi et lui donne des pouvoirs importants.
Il nomme les ministres et a un droit de veto sur les lois votées
par l'Assemblée nationale.
Louis XVI en 1790 semble avoir admis la rupture révolutionnaire.
Le 14 juillet 1790, il participe avec la reine et le dauphin à
la fête de la Fédération qui célèbre
l'unité nationale autour de sa personne.
Mais dans les faits, il pose son veto aux décisions de l'Assemblée
nationale qui sont hostiles aux partisans d'une royauté absolue,
les nobles émigrés ou les prêtres réfractaires.
Le 20 juin 1791, il fuit Paris mais est arrêté à
Varennes. Cette fuite montre au peuple parisien que Louis XVI joue un
double jeu, elle ouvre une période de crise de confiance politique.
Le peuple parisien, les Sans-culottes notamment, dénigrent l'image
du roi. Il est surnommé M. Veto et est représenté
sous forme d'un cochon ou d'un sanglier agressif, d'une bête.
Les relations entre le roi et les députés se font plus
difficiles. Certains députés demandent la destitution
du roi.
La guerre qui débute en avril 1792 cristallise les oppositions.
Louis XVI l'a voulu en espérant qu'une défaite des armées
françaises permettrait la restauration de son pouvoir absolu
car les Français, battus, verraient en lui leur sauveur. Les
députés, qui ont seul le droit de déclarer la guerre,
espéraient qu'une guerre gagnée renforcerait et conforterait
la Révolution.
Le manifeste du duc de Brunswik, le 25 juillet 1792, qui menace Paris
et les Français de féroces représailles s'il portent
atteinte à la personne du roi et à sa famille, radicalise
les actions des groupes révolutionnaires. Le 10 août 1792,
les Sans-culottes prennent d'assaut le palais du roi, les Tuileries.
Le roi se réfugie auprès de l'Assemblée nationale
qui le met en arrestation et proclame sa déchéance mettant
fin ainsi à la monarchie constitutionnelle. Après la victoire
de Valmy (20 septembre 1792) qui libère la France de la menace
d'une invasion, le 22 septembre 1792 la République est proclamée.
Louis XVI durant ces évènements est accusé de collusion
avec l'ennemi et de trahison. Les Montagnards, députés
les plus proches du peuple parisien, demandent et obtiennent le jugement
du citoyen Capet.
Le procés de Louis XVI qui a lieu en décembre 1792 marque
les divisions de l'Assemblée nationale. Qu'il soit l'auteur des
crimes dont on l'accuse importe moins que la situation des différents
groupes politiques par rapport à sa personne et aux valeurs de
la royauté.
Les députés girondins (droite) s'opposent à la
mort du roi que réclament les députés montagnards
autour de Robespierre. Finalement, Louis XVI devenu Louis Capet après
avoir été souverain absolu et monarque constitutionnel
devient le symbole des limites de la Révolution. Les Girondins
souhaitent l'arrêter aux principes de 1789; les Montagnards veulent
aller plus loin dans le processus révolutionnaire et rompre définitivement
avec la monarchie. Avec le soutien de la pression armée du peuple,
ils obtiennent des députés de la Plaine (centre) la condamnation
à mort du citoyen Capet.
Cette condamnation et l'exécution du roi, le 21 janvier 1793,
marquent la fuite en avant d'une révolution qui se radicalise
pour faire face aux menaces nouvelles soulevées par la mort du
roi (guerre contre toutes les monarchies européennes, insurrections
à l'intérieur du pays, ...). Ainsi par sa mort Louis XVI
contribue une nouvelle fois à relancer la Révolution et
à la mise en œuvre de la Terreur jusqu'au 9 thermidor an
II (27 juillet 1794).
Louis
XVI, par ses prises de position comme souverain absolu, monarque constitutionnel
ou par son statut de simple citoyen jugé et condamné,
a été un des déclencheurs de la la rupture majeur
que constitue la Révolution française. Par ses actes,
par la force symbolique de sa personne, il a eu un rôle central
dans le déroulement du processus révolutionnaire entre
1788 et 1794.